Perii
interii occidi. quo curram? quo non curram? tene, tene. quem? quis?
nescio, nil video, caecus eo atque equidem quo eam aut ubi sim aut qui sim
nequeo cum animo certum investigare. obsecro vos ego, mi auxilio,
oro obtestor, sitis et hominem demonstretis, quis eam abstulerit.
quid est? quid ridetis? novi omnes, scio fures esse hic complures,
qui vestitu et creta occultant sese atque sedent quasi sint frugi.
quid ais tu? tibi credere certum est, nam esse bonum ex voltu cognosco.
hem, nemo habet horum? occidisti. dic igitur, quis habet? nescis?
heu me miserum, misere perii,
male perditus, pessime ornatus eo:
tantum gemiti et mali maestitiaeque
hic dies mi optulit, famem et pauperiem.
perditissimus ego sum omnium in terra;
nam quid mi opust vita, qui tantum auri
perdidi, quod concustodivi
sedulo? egomet me defraudavi
animumque meum geniumque meum;
nunc eo alii laetificantur
meo malo et damno. pati nequeo.
EUCLION
Je suis mort ! on m’assassine ! au meurtre ! Où aller à présent ? où ne pas aller ? Arrêtez ! arrêtez ! au voleur ! Qui ? Je ne sais , je ne vois rien ; je marche en aveugle ; je perds la raison, et, certes, je ne saurais dire où je vais, ni où je suis, ni qui je suis. Au secours ! découvrez-moi ! je vous en prie, je vous en conjure, découvrez-moi celui qui me l’a dérobé. Ils cachent leur infamie sous des habits simples et sous la blancheur de la craie, et se placent comme s’ils étaient des gens de probité. Qu’en dis-tu toi ? Je peux me fier à toi. A ta mine tu m’as l’air d’un homme de bien. Comment, vous riez ? Je vous connais tous et je n’ignore pas qu’il se trouve ici plus d’un fripon. Quoi, personne d’entre vous ne l’a pris ? Tu me fais mourir ! Dis donc qui l’a pris ? Ne le sais-tu point ? Ah, je suis ruiné !Malheureux, malheureux que je suis ! Me voilà perdu sans ressource ! Suis-je assez à plaindre ? Fatale journée, que tu me causes de tristesse, de deuil et de maux ; me voilà réduit à mourir de faim ! Il n’est point sur la terre d’homme plus misérable que moi ! Puisque je n’ai plus mon précieux trésor, que m’importe la vie ? Soins inutiles que je me suis donnés pour le conserver ! Je me suis trompé moi-même ! J’ai frustré mon attente et mon génie ! A présent que j’ai tout perdu, d’autres se réjouissent à mes dépens ! Je ne puis supporter cette idée.
Il
crie au voleur dès le jardin, et vient sans chapeau.
Au
voleur ! au voleur ! à l’assassin ! au meurtrier !
Justice, juste Ciel ! je suis perdu, je suis assassiné, on m’a coupé
la gorge, on m’a dérobé mon argent. Qui peut-ce être ? Qu’est-il
devenu ? Où se cache-t-il ? Que ferai-je pour le trouver ? Où
courir Où ne pas courir ? N’est-il point là ? N’est-il point
ici ? Qui est-ce ? Arrête. Rends-moi mon argent, coquin… (Il
se prend lui-même le bras.) Ah ! c’est moi. Mon esprit est
troublé, et j’ignore où je suis, qui je suis, et ce que je fais. Hélas !
mon pauvre argent, mon pauvre argent, mon cher ami ! on m’a privé de
toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma
consolation, ma joie ; tout est fini pour moi, et je n’ai plus que
faire au monde : sans toi, il m’est impossible de vivre. C’es est
fait, je n’en puis plus ; je me meurt, je suis mort, je suis enterré.
N’y a-t-il personne qui veuille me ressusciter, en me rendant mon cher
argent, ou en m’apprenant qui l’a pris ? Euh ? que dites-vous ?
Ce n’est personne. Il faut, qui que ce soit qui ait fait le coup,
qu’avec beaucoup de soin on ait épié l’heure ; et l’on a choisi
justement le temps que je parlais à mon traître de fils. Sortons. Je veux
aller quérir la justice, et faire donner la question à toute la maison :
à servantes, à valets, à fils, à fille, et à moi aussi. Que de gens
assemblée ! Je ne jette mes regards sur personne qui ne me donne des
soupçons, et tout me semble mon voleur. Eh ! de quoi est-ce qu’on
parle là ? De celui qui m’a dérobé ? Quel bruit fait-on là-haut ?
Est-ce mon voleur qui y est ? De grâce, si l’on sait des nouvelles
de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise. N’est-il point caché là
parmi vous ? Ils me regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez
qu’ils ont part sans doute au vol que l’on m’a fait. Allons vite, des
commissaires, des archers, des prévôts, des juges, des gênes, des
potences et des bourreaux. Je veux faire pendre tout le monde ; et si
je ne trouve pas mon argent, je me pendrait moi-même après.
L’Avare,
MOLIERE ; Acte IV, scène 7.