Sophocle

 

 

 

Sophocle est essentiellement un homme « heureux », à qui les dieux ont tout donné. A la beauté il joint l’adresse :il se fait remarquer dans le rôle de lyre, et dans celui de Nausicaa par sa dextérité à lancer la balle. Mais la faiblesse de sa voix lui interdira vite de jouer lui-même le premier rôle de ses pièces.

Sa fécondité tient du prodige. A partir de cinquante ans, le poète concourra en moyenne tous les deux ans. Il unit au sens inné du théâtre un inlassable goût de l’effort, et il se perfectionnera sans cesse sa dramaturgie ; Trop complet pour n’être qu’un artiste, il a néanmoins une conscience aiguë de la technique poétique :les Anciens possédaient de lui un Traité sur le chœur.

« Facile à vivre » (Aristophane, les grenouilles, v.82), plein de déférence à l’égard de ses aînés, ami d’Hérodote, il aurait formé, sous l’invocation des Muses, un cercle d’artistes qui avaient ses assemblées régulières :cela en dit long sur l’urbanité de cet homme de bonne compagnie.

Citoyen, il ne se dérobe pas devant ses devoirs ; fort attaché au pays de son enfance et de sa jeunesse, il déclinera, seul des grands tragiques, l’offre d’accueil de plusieurs souverains étrangers.

D’une piété sereine et scrupuleuse, il a sens religieux profond : son Tirésias est prêtre dans l’éternité ; toute l’œuvre de Sophocle, si humaine, est pénétrée de divin.

Sensible aux implacables lois du désir (à ce que laissent entendre Platon et tel stasimon d’Antigone :stasimon III), mais aussi à l’harmonie de l’amour (selon le même stasimon), Sophocle s’offre à toutes les joies humaines, sans aucune sensiblerie.

 

Ainsi cet admirable Ve siècle -le siècle de Périclès- dont il partagera les épreuves et les grandeurs, mais dont la misérable fin lui fut voilée par la faveur des dieux, Sophocle -athlète et musicien, « bel et bon », homme de goût, homme d’action et de méditation, cœur largement ouvert à la beauté des idées, des êtres et des choses-  incarna l’idéal humain.