EXTRAIT DE
COMPARAISON
Les Caractères de LA BRUYERE (chapitre III)
Iphis voit à l'église un soulier d'une nouvelle mode; il
regarde le sien et en rougit; il ne se croit plus habillé. Il était ve,u à la
messe pour s'y montrer, et il se cache; le voilà retunu par le pied dans sa
chambre tout le reste du jour. Il a la main douce, et il l'entretient avec une pâte
de senteur. Il a soin de rire pour montrer ses dents; il fait la petite bouche;
et il n'y a guère de moments où il ne veuille sourire. Il regarde ses jambes,
il se voit au miroir : l'on ne peut être plus content de personne qu'il l'est
de lui même. Il s'est acquis une voix claire et délicate, et heureusement il
parle gras. Il a un mouvement de tête, et je ne sais quel adoucissement dans
les yeux, dont il n'oublie pas de s'embellir. Il a une démarche molle et le
plus joli maintien qu'il est capable de se procurer. Il met du rouge, mais
rarement, il n'en fait pas habitude. Il est vrai aussi qu'il porte des chausses
et un chapeau, et qu'il n'a ni boucles d'oreilles ni collier de perles; aussi ne
l'ai-je pas mis dans le chapitre des femmes. (ch. XIII)