Phèdre
Ce
fut Phèdre, en composant quelques cent trente-cinq fables en latin, qui donna,
essentiellement, à la fable une véritable épaisseur littéraire. Né en
Thrace vers 15 av. J.-C. il était de descendance grecque, comme son nom
l’indique, et d’origine servile comme Ésope.
Venu à Rome fort jeune, au tout début de notre ère, il fut affranchi par un décret
d’Auguste.
Très
cultivé, parlant à la fois grec et latin, il rédigea dans cette dernière
langue les fables qui ont fait sa réputation, utilisant une métrique élégante,
le vers sénaire iambique, celui-là même qu’avaient utilisé autrefois les
poètes dramatiques. Entre 14 et 31, il se fit connaître par un premier livre
de fables qui lui valut probablement l’exil . Néanmoins, Phèdre parvint
à sortir de ce mauvais pas grâce à l’intervention d’Eutychus. En 43, il
publia un deuxième livre. Les trois derniers parurent jusqu’en 54. Un
ensemble de trente fables au ton quelque peu désabusé fut ensuite réuni après
sa mort que l’on date vers 70, donc à un âge avancé.
Tout
imprégné des recueils ésopiques – il devait en circuler de nombreux à Rome
– il en fit un usage tout à fait personnel, ne reprenant que les sujets de
quarante-sept fables. Les quatre-vingt-huit autres, probablement toutes jaillies
de l’imagination de notre auteur, se caractérisent par un subtil double sens
que l’on a parfois du mal à expliciter. Elles révèlent aussi les états
d’âme, voire les rancœurs, d’un homme prisonnier de sa condition
d’affranchi.
Authentique
poète, Phèdre fut le premier à avoir honoré le genre de la fable en langue
latine. À la vérité, Phèdre fut le premier fabuliste en tant que tel, celui
qui s’efforça de donner à la fable, jusque là si brève et sans attraits de
langage, un habillage poétique, une consistance littéraire véritable et des
intentions, nous l’avons vu, satiriques tout autant que moralisatrices. Notre
auteur n’avouait-il pas justement avoir « fait un chemin à l’étroit
sentier d’Ésope imaginant plus de fables qu’il n’en a laissé ».
Avec Phèdre, la fable, pour la première fois, semble se dépasser elle-même,
tant l’auteur est plein d’arrière-pensées stylistiques et surtout
politiques.
Phèdre
aurait aussi donné à la fable une dimension sociale qui lui faisait défaut
jusque-là.
Pourtant
on a reproché a Phèdre son mauvais goût ses platitudes qui son en réalité sûrement
dû au fait que la plupart de ses récits on était troqués ou modifier lors
d’éditions postérieure. De plus ses fables telles qu’elles apparaissent
aujourd’hui représente environ la moitié de ses œuvres et des récits
certainement pas de sa main se sont glissé dans ce corpus.
Rappelons,
enfin, que la connaissance de Phèdre en Occident est relativement récente.
Oublié dès l’Antiquité et surtout connu au Moyen Âge par des adaptations
en prose, la première publication de ses fables ne date que de 1596, peu après
la révélation des manuscrits par François Pithou.