Les vers peuvent se succéder de façon continue dans un poème sans former de groupes.
Mais souvent ils sont regroupés en strophes, qui sont à la poésie ce que les paragraphes sont à la prose. Ils forment ainsi une unité typographique, qui est doublée par une unité de sens : si ces vers sont regroupés, c’est qu’ils illustrent le même thème ou la même idée.
Les principales strophes sont :
- Le distique : groupement de 2 vers
- Le tercet : groupement de 3 vers
- Le quatrain : groupement de 4 vers
- Le quintil : groupement de 5 vers
- Le sizain : groupement de 6 vers
- Le dizain : groupement de 10 vers
Au début du XXème siècle, certains poètes (Péguy, Claudel, Saint-John-Perse) abandonnent les strophes traditionnelles et empruntent à la Bible le « verset » pour en faire une nouvelle unité d’écriture poétique. Plus long qu’un vers traditionnel mais plus court qu’un paragraphe de prose, le verset possède un rythme poétique propre né de la respiration.
« Flairant la pourpre, le cilice, flairant l’ivoire et le tesson, flairant le monde entier des choses,
Et qui couraient à leur office sur nos plus grands versets d’athlètes, de poètes,
C’étaient de très grands vents en quête sur toutes pistes de ce monde... »
Saint-John-Perse
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Dans la versification classique, l’unité de chaque strophe est soulignée par les rimes.
La rime, qui signale la fin d’un vers, est la répétition du même son à la fin de deux ou de plusieurs vers.
La
nature des rimes :
Une rime est dite féminine quand elle s’achève sur une syllabe contenant un « e » et qui ne compte pas dans le décompte des syllabes (apocope) [cf fiche "La poésie : les vers"] ; elle est dite masculine quand elle est terminée par toute autre syllabe.
Si on appelle A la première rime rencontrée dans un poème, et B la deuxième, la versification classique veut que si la première rime est féminine la deuxième soit masculine, et vice-versa : il doit y avoir toujours alternance entre rimes féminines et rimes masculines.
« Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre folle ! = A, rime féminine
Tu te fondais à lui comme une neige au feu ; = B, rime masculine
Les grandes visions étranglaient ta parole = A, rime féminine
Et l’Infini terrible effara ton oeil bleu ! » = B, rime masculine
(Rimbaud)
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, = A, rime féminine
Ou comme cestui-là qui conquit la toison, = B, rime masculine
Et puis est retourné, plein d’usage et raison, = B, rime masculine
Vivre entre ses parents le reste de son âge ! » = A, rime féminine
(Du
Bellay)
La
qualité des rimes :
-
Quand un seul son est commun, la rime est pauvre
-
Quand deux sons sont communs, la rime est suffisante
- Quand il y a plus de deux sons communs, la rime est riche
« Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre folle ! = A, rime suffisante
Tu te fondais à lui comme une neige au feu ; = B, rime pauvre
Les grandes visions étranglaient ta parole = A, rime suffisante
Et l’Infini terrible effara ton oeil bleu ! » = B, rime pauvre
(Rimbaud)
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, = A, rime suffisante
Ou comme cestui-là qui conquit la toison, = B, rime suffisante
Et puis est retourné, plein d’usage et raison, = B, rime suffisante
Vivre entre ses parents le reste de son âge ! » = A, rime suffisante
(Du
Bellay)
« La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs = A, rime riche
Rêvant, l’archet aux doigts dans le calme des fleurs » = A, rime riche
(Mallarmé »
La
disposition des rimes :
On distingue 3 dispositions classiques des rimes :
-
Les rimes plates ou suivies :
AABB
« La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs = A
Rêvant, l’archet aux doigts dans le calme des fleurs » = A
(Mallarmé)
- Les rimes croisées ou alternées : ABAB
« Ciel ! Amour ! Liberté ! Quel rêve, ô pauvre folle ! = A
Tu te fondais à lui comme une neige au feu ; = B
Les grandes visions étranglaient ta parole = A
Et l’Infini terrible effara ton oeil bleu ! » = B
(Rimbaud)
- Les rimes embrassées : ABBA
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, = A
Ou comme cestui-là qui conquit la toison, = B
Et puis est retourné, plein d’usage et raison, = B
Vivre entre ses parents le reste de son âge ! » = A
(Du
Bellay)
Remarques :
1- Parfois la disposition des rimes ne coïncide pas avec le découpage des vers en strophes : dans le sonnet en particulier [2], les rimes des deux tercets sont souvent solidaires malgré le découpage en deux strophes et se distribuent en 2 + 4 ou 4 + 2, le groupe de 2 étant des rimes plates , le groupe de 4 des rimes embrassées ou croisées.
Exemple :
« Ils [1] prennent en songeant les nobles attitudes = A
Des grands sphinx allongés au fond des solitudes, = A
Qui semblent s’endormir dans un rêve sans fin ; = B
Leurs reins féconds sont pleins d’étincelles magiques, = C
Et des parcelles d’or, ainsi qu’un sable fin, = B
Etoilent vaguement leurs prunelles mystiques. » = C
2- On parle aussi de rime intérieure lorsque le son de la rime reprend une syllabe située au milieu du vers :
Exemple :
« Dans
la forêt mouillée, les toiles d’araignées... »
(Laforgue)
La poésie contemporaine remet parfois en cause toutes les structures de la poésie classique : aux vers rimés elle oppose par exemple les vers libres.
Les
vers libres sont libérés du mètre, puisqu’ils peuvent faire se succéder
n’importe quel type de vers sans règle :
« Car
tu es l’eau qui rêve
et
qui persévère
l’eau
qui creuse et qui éclaire
l’eau
douce comme l’air
l’eau
qui chante
celle
de tes larmes et de ta joie »
Soupault
Ces
vers sont souvent
aussi libérés de la ponctuation, ainsi que des contraintes de la rime.
Cependant, ils reposent la plupart du temps sur une cohésion musicale qui
existe déjà en poésie classique (et cohabite avec celle des rimes) :
l’harmonie créée par les allitérations et les assonances.
L’unité d’une strophe ou d’un vers peut aussi se construire sur des sonorités qui se répètent sans être forcément des rimes. Il s’agit :
- - des assonances : répétition de voyelles de même timbre (grave ou aigu)
« Les cris aigus des filles chatouillées » (Valéry)
- - des allitérations : répétition de consonnes de même articulation (liquides (l), sifflantes (s), chuintantes (ch), fricatives (f), etc...)
« Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ? » (Racine)
Les assonances et les allitérations significatives sont celles qui ont un lien avec le sens du poème ; en général, elles créent une musique imitative : dans l’exemple de Valéry, l’assonance imite les cris des filles, dans l’exemple de Racine, l’allitération imite le sifflement des serpents.