Homère (Homeros, probablement VIIIe s. av. J.-C.). Poète épique grec.
1. Dans l'Antiquité, Homère fut considéré principalement comme l'auteur de
L'Iliade et de L'Odyssée ; d'autres poèmes épiques lui furent parfois attribués, le plus souvent
Margites et Batrachomyomachia, mais les spécialistes ont rejeté ces suppositions. Les Grecs eux-mêmes ne savent rien de certain sur sa
vie ; on a suggéré des dates diverses, allant de la guerre de Troie (au début du
XIIe s. av. J.-C.) jusqu'à cinq cents ans plus tard. Hérodote le fait remonter à environ 850 av. J.-C. Les savants modernes, utilisant les preuves fournies par l'histoire, l'archéologie, et la langue, font généralement remonter ces poèmes à la fin du
VIIIe siècle, longtemps après les événements de la guerre de Troie et leurs répercussions. De nombreuses villes se targuent d'être le lieu de naissance d'Homère
; il est cependant plausible que Smyrne et Chios soient le foyer des Homérides
(rhapsodes qui prétendaient descendre d'Homère). Les Grecs anciens représentaient Homère comme un ménestrel aveugle, ayant souffert de la pauvreté et du malheur au cours de sa vie errante jusqu'à sa mort et à son enterrement sur l'île égéenne
d'Ios.
2. Le point de vue de certains savants hellénistiques, les « séparatistes » (chorizontes), selon lequel
L'Iliade et L'Odyssée n'ont pas été écrites par la même personne, a été adopté par certains savants modernes, qui s'appuient sur la langue, les coutumes sociales et l'attitude envers les
dieux : selon eux, L'Odyssée fut peut-être composée une génération après
L'Iliade. D'autres savants modernes (« les unitaristes »), estiment que les différences entre les deux Poèmes peuvent s'expliquer par celles existant entre leurs sujets ; ils croient, tout comme les Grecs anciens, que les deux poèmes sont
l'oeuvre d'un seul homme. Qu'il y ait deux poètes ou un seul, il est clair que les deux poèmes furent composés dans une partie de la Grèce
où l'on parlait le dialecte ionien, que L'Odyssée fut conçue comme une suite de
L'Iliade, dont elle suppose les événements connus, et que les personnages qui
apparaissent dans les deux poèmes, ont, d'une manière reconnaissable, la même individualité.
3. Non seulement il a été suggéré qu'il y avait deux poètes, mais on a douté qu'il y en eut même un seul. Depuis la fin du
XVIIIe siècle, la science homérique a été dominée par le problème de la définition de la paternité, ce qu'on a appelé la « question homérique ». On avait toujours souligné que la langue de ces poèmes était un amalgame artificiel tiré de différentes parties du monde grec et de différentes périodes
et, dans une moindre mesure, que la société ainsi que les institutions homériques manquaient d'authenticité
; actuellement, on porte plus d'attention aux graves contradictions (ainsi qu'on les ressentait) dans les récits
eux-mêmes. On a alors suggéré que chaque poème avait été créé grâce à la compilation de poèmes plus courts, du type de la ballade, des «lais», et qu'ils avaient été portés à leur longueur actuelle grâce à des accrétions naturelles et
par un effort collectif, ou peut-être grâce à l'activité éditoriale d'un seul homme dont il serait impossible d'apprécier la contribution individuelle. En fait, l'étude poussée de matériaux
épiques comparables, tels que ceux continuaient d'exister en Yougoslavie jusqu'au
XXe siècle, semble avoir établi que ces poèmes sont le résultat final d'une tradition de poésie orale vieille de plusieurs siècles
; il se peut que cela puisse expliquer les éléments disparates et les discordances
apparentes pour des lecteurs capables de revenir en arrière dans un livre, mais
que l'on ne remarquerait pas au cours d'une récitation. Cette théorie explique aussi l'une des caractéristiques les plus spécifiques d'Homère,
le fait que son langage est hautement « formulaire », c'est-à-dire répétitif.
Le Poète ne cesse de répéter non seulement des épithètes et des
phrases, des vers et des passages entiers ; des scènes sont également répétées,
par exemple celles qui décrivent des activités «typiques», la préparation d'un repas ou celle d'une armée avant la
bataille. Le poète, possédant déjà en mémoire un large répertoire de
formules traditionnelles, pouvait improviser un récit d'une certaine importance,
raconter sans préparation une histoire qu'il pouvait avoir au préalable répétée mentalement.
Extrait du Dictionnaire de l'antiquité, sous la direction de M.C. HOWATSON, Robert Laffont, collection Bouquins, 1994, pp. 509-510